Au douzième coup quelquefois, ou au premier clap, un homme se dresse immobile, les mains crispées au ciel sur un manche de bêche, devant ce qui n’est qu’une bête aveugle sans doute,
Et s’apprête à frapper un tas de terre qui éboule, et c’est rêve de mort et de corps tranché avant de paraître, rêve de début et fin confondus, et c’est rêve encore
Quand, en plein midi, un autre s’assied au bord d’un ruisseau, se cache les yeux, s’éponge le front et les lèvres, et dit qu’il y a toujours, après boire
Et tenter de vivre un instant sans voir cela dont il faut à la fin se laver les plaies, plus qu’un homme seul, ivre de vin doux et de clarté fausse
Au milieu du pré, c’est rêve, bien sûr, dont on sort sans voix, et tu ne sais pas lorsque tu te penches et cherches au fond quelque vieille image
D’algue et de soleil, la couleur de l’herbe ni celle du temps, rêve en noir et blanc, et tu n’aperçois, à peine franchie la flaque douteuse où tu as désir
De te décrotter l’âme et le regard, que la fabrique délabrée, un peu à l’écart du village, l’église bancale, et les rues en croix, autour de la grande place.
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Les vitraux
Tu ignores tout désormais, ou presque, de ces panneaux de couleur qui jamais ne s’ouvrent, et de ces tessons qui te crèveront les paupières,
Tout de ces coulures qui souillent les fronts levés vers le faîte, et tout de ce lieu d’obscurité dense où l’on se fait face.
Tu as dans la main le même caillou qu’au commencement et ne crois avoir commencé de croire à ce presque rien qui te tient debout qu’une fois brisée,
D’un jet de caillou contre une façade, l’image d’avant. Les nuits étaient blanches alors, blanches également, les baies et les eaux, et blanches surtout,
Sans taches ni cris, intactes et froides, les formes tirées des livres puis étendues sur les rives blanches. Quelque écorchée vive, que l’on prétendait
Sainte en ces temps-là, se déshabillant parfois par surprise, se laissait prendre à tes chausse-trapes de lumière et de plomb, et tu entendais, au bas
D’impalpables murs éventrés, ce léger fracas de vitraux que cassent, en se caressant des yeux et de loin, d’absolus amants.
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Biographie
Robert Nédélec est né le 23 mai 1946 à Saint-Pol-de-Léon (Finistère). Il partage son existence entre la Bretagne, où il a passé toute son enfance et à laquelle il reste encore attaché, et la Provence intérieure, où il a choisi de se fixer aujourd’hui. Il a édité une plus d'une vingtaine d’ouvrages, épuisés pour la plupart d’entre eux, en particulier aux «Editions de l’Arbre» (Jean le Mauve éd.) ou à «L’Arrière-Pays». Il a également collaboré, et collabore encore occasionnellement, à de nombreuses revues, en France comme à l’étranger.
Bibliographie
Deux ouvrages à paraître en 2011 :
Faute d’ombre, in Froissart/28, 1984, JC Belleveaux, 1997
Des racines autour du cœur, Oswald, 1971
Textes dans de nombreuses revues dont, dernièrement, Arpa, Autre Sud, Le Chemin des livres, Diérèse, Encres Vives, Europe, Friches, Multiples, N4728, La Passe, Rivaginaires, 7 à dire… et dans des anthologies, récemment parues : : «L’année poétique 2009», (Ed. Seghers), «Anthologie 2009» (Multiples), «Visages de poésie» (Ed. Rafael de Surtis, 2010)…