extraits de "Plein champ"
Les voilages
L’air et le fruit se sont gâtés dans la maison basse où vous habitez malgré la rumeur, ta semblable et toi, depuis que la bête aveugle, à qui l’on tendait
Indistinctement les mains et le piège, a crevé la croûte de terre durcie qui dissimulait ses ruses béantes et réduit les chairs
En mottes de sang ; et tu imagines, quand l’ange s’enfonce, tête la première, dans ses déjections, et que pendent dans les granges
Des lambeaux de peaux mangées de poussière, que tu aurais pu, au lieu de laisser l’œuvre inaccomplie et de disparaître derrière ta trace,
Arracher la bêche au sol, en laver le fer, et l’appuyer, à d’aimables fins, de meurtre toujours, ou de parodie, au mur de la chambre,
Te promettre de trancher, d’un mouvement sec de l’âme et du corps, cet instable amas de lumière pâle qui témoigne que l’on fore aussi l’espace d’en haut quelquefois,
Que le ciel éboule, comme tulles ou percales, quand le souffle accroche ses capitules aux volets fermés et que le cadavre nouveau, se dressant une fois de plus sur ses pattes arrière, apostrophe l’étoile.
L’accroc
Morte, à présent. Tu te rappelles cette main, légère déjà, qu’un souffle peut-être aurait pu briser, cette autre, à côté, qui lissait le drap, cette bouche pâle, cette voix fêlée qui tentait encore de dire plus tard,
Et qu’il y avait quelquefois un bourdonnement de mouche au carreau. Dehors, la terre était presque blanche – c’était l’été pourtant ; à n’en pas douter, on s’était trompé de jour et d’ima-ge –, et tu te rappelles
Que des hommes marchèrent longtemps dans la cour et sur le chemin, habits d’ombre et dos voûtés, supportant le même fardeau ; et que tous avaient même visage, même fil de sang aux paupières.
Quand la pièce fut vide, que l’on eut brossé les murs et les meubles, battu les tapis et jeté au feu cela qui sentait trop fort le passé, tu te vis soudain seul et réclamas plus de lumière.
On ouvrit donc en grand les quatre fenêtres, et quelque étranger, qui croyait avoir oublié le commencement, se découvrit des yeux semblables aux tiens quand, en se penchant, il crut qu’une femme attendait toujours,
Qui avait fui le partage. Il ne se désola pas pour autant, comme les amis et les héritiers, parce qu’un rideau s’était déchiré, mais s’accusa d’avoir commis, bien longtemps avant et sans le savoir, le geste qui permit le premier accroc.